La maraude
Les contacts
Vous allez rencontrer des gens qui n’ont peut être parlé à personne depuis plusieurs jours, vous êtes les premiers depuis des heures à vous adresser à eux, à montrer de la politesse, du respect et de l’empathie. Ça ne fait pas de vous un être supérieur, vous rétablissez simplement un lien qui n’aurait pas du disparaître.
À un inconnu, on se présente et le vouvoiement est de rigueur (semble dépendre des associations).
« Bonsoir, c’est François, de la maraude de l’Élysée »
C’est un carton, un bout de mur, etc. mais c’est le sien. On demande toujours pour s’asseoir, pour bouger quelque chose, pour s’installer.
Attention à ne pas arriver en pack sur une personne que vous n’avez jamais croisée, un ou deux maximum. N’entourez pas la personne alors qu’elle est à terre et/ou dos au mur, ce n’est pas un contrôle de police, laissez une « porte de sortie virtuelle » pour la partie animale de son cerveau qui peut avoir besoin de s’enfuir. Tous à gauche ou tous à droite et accroupis si la personne est à terre.
Vous vous êtes fait rembarrer, pas grave. Si vous venez de trouver un nouveau «spot», notez bien tous les renseignements (« À l’entrée de Montmartre» ne sert à rien comme indication, c’est trop vague, noter les rues, les numéros, les magasins, les repères visuels, etc.) et réessayer plus tard.
Vous êtes un homme, vous êtes un peu en avant du groupe car la personne est retranchée dans un coin caché (sécurité), vous vous approchez et c’est une femme : elle ne veut rien et ne veut pas parler. Tant pis, la prochaine fois, envoyez une femme seule par exemple. Plus jeune, plus vieille, etc. A un moment, ça se déclenchera et vous établirez un contact. Mais peut être dans six mois. Peut être jamais.
C’était une personne qui attendait vraiment le bus ?
Pas grave.
Vous avez confondu avec un adepte de la mode grunge ?
Pas grave.
C’était un gros sac poubelle, toute l’équipe vous recommande un opticien ?
Pas grave.
Vaut mieux se louper que de louper quelqu’un.
Les produits
Vous avez du lait à proposer ? Attention, demandez toujours si les personnes ont l’habitude d’en boire sinon probables diarrhées et flatulences !
On perd rapidement la flore intestinale qui permet la digestion du lait.
Les asiatiques ont souvent du mal à digérer le lait. Les indiens, pakistanais, etc. en raffolent.
L’écoute active
Oui, ce chapitre s’appelle « Écoute active ». Pas entretien, débat ou pour-parler. Écoute active.
Vous allez peut être au fur et à mesure de la conversation ou des rencontres répétées, établir un lien, échanger des points de vue, raconter des anecdotes mais il ne faut jamais perdre de vue que la maraude est un travail d’écoute.
Une personne dans la rue vous parle de Tahiti et vous racontez des anecdotes car vous y avez vécu, pourquoi pas. Quelqu’un dans Paris vous explique qu’il va partir en juillet pour faire sa manche dans le sud, ça lui fera comme des vacances et vous enchaînez avec vos dernières vacances à Tahiti, les problèmes de réservations du sauna et le film nul dans l’avion, etc. non ! Vous pouvez arrêter les maraudes, c’est pas pour vous, il y a plein d’autres trucs à faire.
La personne s’énerve, les chiens sont menaçants ou un attroupement se forme, pas la peine d’insister. Il faut se protéger pour continuer dans de bonnes conditions.
À une personne énervée et menaçante, j’ai avoué ma peur et expliqué que je repasserai dans de meilleures conditions. Je suis vraiment repassé, j’ai dit un truc et je l’ai fait, c’est ce qui l’a le plus étonné et ça a tout changé.
Ne lancez pas des paroles en l’air, ne promettez rien que vous ne pourrez pas tenir : «Je vais vous trouver ça», «Je vais contacter untel», etc.
Sur les rendez vous et le temps, un rappel, après seulement quelques semaines dans la rue et/ou sous emprise de l’alcool ou autre, la notion de temps devient assez floue pour beaucoup de personnes. « Rendez vous ici, mardi, dans deux jours, à 19h30 » à quelqu’un qui endure la rue peut être un rendez-vous audacieux et plein d’espoir mais qui peut être vain.
Le départ
Certains ne disent pas « Comment ça va ? » ou « Bonne nuit » car ils trouvent ça déplacé dans la rue. Effectivement, on évite de lancer un « Bonne nuit » comme un « Bonjour » à un voisin croisé depuis quatre ans et dont on ne sait rien (ce sera peut être l’objet d’un autre livre). Ils sont dans la rue donc ils risquent de ne pas passer une bonne nuit mais rien n’empêche de souhaiter, si vous êtes sincère, « Une nuit calme », « Une nuit pas trop froide », « que la pluie stoppe » tout simplement.
À l’opposé, j’essaye de ne jamais dire « On vous laisse », je préfère « On va continuer ».
Soyez souple et adaptez vous, un mot peut être adéquat un soir et complètement déplacé le lendemain, adapté à une personne mais pas à une autre.